Lettre 2850 de Samuel Werenfels Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (L)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.W.3-III

Silentium. quod mihi

Werenfels est navré de son long silence mais, comme JA le dit lui-même, cela n'indique nullement un affaiblissement de son affection, toujours aussi grande. Il a lu attentivement les doutes du théologien luthérien avec la réponse de JA qui lui semble très satisfaisante. Il fait les remarques suivantes sur chacun des points soulevés par le théologien: 1) il n'est pas nécessaire d'avoir le même sentiment et de parler de la même manière sur tous les articles, des moins importants aux plus importants; il faut plutôt garder la concorde et renoncer aux divisions 2) quand le théologien luthérien dit que JA n'a répondu à aucun de ses arguments, il ne dit pas lesquels 3) les luthériens croient que la "manducatio" orale sans la spirituelle n'est pas salutaire mais ils n'osent pas nier que la spirituelle sans l'orale soit salutaire. Il ne faut donc pas demander si la "manducatio" orale est salutaire mais plutôt s'il est nécessaire que tous ceux qui communient croient à la "manducatio" orale. Selon les luthériens, tous ceux qui communient "manducant" oralement; ils ne croient pas que cela les rendent saints 4) il n'a rien à dire sur ce point 5) c'est un point qui recèle beaucoup de malice. Quelqu'un peut être chrétien même s'il ne saisit pas ces questions ou n'est pas capable de prendre des décisions sur ces matières controversées; mais il ne peut pas être chrétien s'il n'est pas capable de trancher la question de l'existence de Dieu, ce qui n'implique pourtant pas qu'il sache réfuter tous les faux raisonnements des athées 6) il n'a rien à dire sur le reste, sinon qu'il sait qu'il y a des luthériens qui estiment qu'on leur fait une injure quand on leur reproche qu'avec les mots "Ceci est..." ils veulent dire "dans lequel et sous lequel". Il faut peut-être à cet égard changer quelque chose pour éliminer ce qui peut susciter des chicanes. Il souhaite que tout cela porte des fruits mais, à vrai dire, il le souhaite plus qu'il ne l'espère. Il ignore ce qui se passe à Berne. Il a vu les écrits des deux partis; pour celui des théologiens de Berne, il n'a pu lire qu'un abrégé [Ringier, "Mémoire"]. Il a remarqué que l'affaire est traitée de manière enragée; les Zurichois et les Bernois y ont aussi participé. Que Dieu sauve son Église! Il a envoyé à Berne un exemplaire de son propre écrit allemand [Allgemeine Gedanken] mais ne sait pas comment celui-ci aura été accueilli. Il pense que la manière la plus efficace de faire bouger les Politiques, c'est de leur montrer candidement ce qu'il y a de bien d'un côté. L'écrit de [Gabriel] Bergier est excellent mais Werenfels aurait préféré qu'il n'abordât pas certaines choses. Il faut surtout parler de ce qui peut atteindre les Politiques et c'est de cela que dépend la victoire. Dans la République de Bâle, on assiste à beaucoup de changements mais Dieu seul sait ce qu'il en sera pour le futur. Werenfels a entendu dire qu'on avait envoyé à JA l'épître anacréontique ["Gulielmus Rex"] ; il serait peut-être préférable qu'un poète, meilleur en français que Werenfels, les traduisît. On a imprimé ici tout ce que que Werenfels a publié jusqu'à maintenant [Opuscula].

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