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Lettre 330 de Jacques Chenaud à Jean-Alphonse Turrettini

[Genève] 22.10.1691 [12.10.]

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Chenaud, au moment de commencer sa lettre, ne sait pas encore ce qu'il écrira mais JA connaît toute l'affection et l'amitié qu'il a pour lui et sait combien lui est pénible son absence. Il souhaite néanmoins que son correspondant soit content mais qu'il ait aussi de la compréhension pour un ami dont la vieillesse s'avance à grands pas à cause de l'absence de JA. Il a vu aujourd'hui une lettre de [Pierre] Du Bosc à [Jean] Saurin qui donne de JA un portrait tout à fait ressemblant. Il a été conten...

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[Genève] 22.10.1691 [12.10.]


Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 493 (f.250-251)


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Chenaud, au moment de commencer sa lettre, ne sait pas encore ce qu'il écrira mais JA connaît toute l'affection et l'amitié qu'il a pour lui et sait combien lui est pénible son absence. Il souhaite néanmoins que son correspondant soit content mais qu'il ait aussi de la compréhension pour un ami dont la vieillesse s'avance à grands pas à cause de l'absence de JA. Il a vu aujourd'hui une lettre de [Pierre] Du Bosc à [Jean] Saurin qui donne de JA un portrait tout à fait ressemblant. Il a été content de constater que leur jugement sur JA concordait. L'amitié de son correspondant est pour lui plus importante que la tendresse des filles les plus jolies qui n'ont aucune prise sur lui. Son cœur est entièrement dévoué à JA. Que le destinataire en fasse de même mais qu'il réponde aux lettres de ces dames [Mademoiselles de Hauterive et de Saint-Julien] ou du moins qu'il fasse savoir qu'il les a bien reçues. Certaines d'entre elles ont quitté Genève; il est vrai que la cherté fait fuir beaucoup de monde mais Genève reste Genève. Il ne lui manque actuellement que la présence de JA. Il espère que [Jean-Antoine] Dautun trouvera une Église et celle de Hambourg devrait le retenir une fois qu'elle l'aura connu mais il est vrai que si tel était le cas, Chenaud le perdrait à jamais. Il n'ose pas dire à une certaine demoiselle le parti qu'a pris Dautun; ce serait trop dur pour elle puisqu'elle s'attend à autre chose. JA a sûrement appris la prise de Carmagnole; malheureusement, les réfugiés et les Allemands ont dépouillé une bonne partie de la garnison qui en sortait, ce qui n'est pas bien. Catinat, avant de quitter le Piémont, a fait un détour pour détruire et incendier Angrogne et Saint-Jean. Ils sont partis du camp d'Ozague le 8 octobre pour prendre les hauteurs d'Angrogne. [Charles] de Schomberg, qui se doutait de la chose, fit partir tout de suite [Gabriel I] Mallet au camp de Carmagnole; il voulait d'abord faire assembler les capitaines vaudois mais il n'en a pas eu le temps puisque les Français, une heure après son arrivée, commencèrent à brûler Angrogna. Il donna donc l'ordre au capitaine Blion et au lieutenant Du Chesne de partir à la rencontre de l'ennemi avec tous ceux qu'ils pourraient trouver dans les vignes, en attendant que les autres capitaines rassemblassent les Vaudois dispersés dans les Vallées. Le combat fut opiniâtre à la porte d'Angrogne; le prince d'Elbeuf, qui commandait les Français, voyant d'une colline arriver les autres Vaudois, décida la retraite. Il y eut un affrontement très violent entre les Vaudois et les Français, les premiers se battant comme des lions. Mallet, craignant qu'ils ne s'avançassent trop, les fit battre en retraite. On estime que les Français ont perdu environ 500 hommes, les Vaudois 8 et 12 blessés. On a appris par une lettre de Marseille que le Grand Visir a fait dire aux ambassadeurs d'Angleterre et de Hollande d'aller à Belgrade pour traiter de la paix alors qu'il a fait dire à celui de France de ne pas y aller. Chenaud ne sait pas si cette nouvelle correspond à la réalité. Il a entendu prêcher deux ministres réfugiés et en a beaucoup profité. Il a appris que l'amour de Dieu et l'amour propre doivent être comme les deux jambes de Jacob, l'une droite et l'autre courbe, que les souffrances sont du pain béni pour les fidèles, que les géographes ont constaté que le joug des Israélites avait doublé avant leur sortie etc. Hier on a prêché sur ce texte de Pierre [1P 4,18] «si le juste est difficilement sauvé, qu'en sera-t-il du méchant et du pécheur?» On se posa la question de savoir pourquoi le méchant était mis devant le pécheur et on y répondit en disant que le méchant agit contre la première table de la loi alors que le pécheur le fait contre la deuxième. Chenaud demande à JA de lui dire dans quels commentaires se trouvent ces choses puisqu'il présume qu'elles sont tirées de là. Il aime entendre de temps à autres des étrangers, il retient davantage ce qu'ils disent. La mère de Ravier est encore langu"issante et attend des nouvelles de son fils qui n'en a pas donné depuis longtemps; Chenaud n'a pas voulu lui parler de la maladie de son fils pour ne pas l'inquiéter mais il se fait des soucis pour lui et craint qu'il ne puisse plus continuer ses études. [Antoine II] Saladin devrait être à présent avec JA; qu'il se divertisse, toute la science ne sert à rien sans la santé. Il en sait du reste assez pour ce dont il a besoin et la bourse de son père [Antoine I Saladin] est assez pleine pour lui permettre de prendre des distractions. Il conseille aux deux jeunes gens de passer l'hiver à Utrecht où l'air est, dit-on, meilleur. Chenaud transmet à JA en particulier les salutations d'[Étienne] Jallabert, qui avait eu le dessein d'aller en Hollande ou dans le Brandebourg mais qui restera à Genève, et celles d'[Antoine I] Léger et de son compère [François Poullain] De La Barre qui a fait imprimer un recueil des fautes que les Genevois font en français. Moze est allé en Italie avec un gentilhomme anglais. Chenaud a vu les œuvres posthumes de Spinoza; il n'y a pas trouvé ce qu'il attendait, il lui semble qu'il lui serait facile de le réfuter. Tous ces axiomes ne sont pas vrais. Il serait bien aise d'en discuter avec JA. Le philosophe de Poitiers [Ingrand (?)] s'enquiert tous les jours de JA, il l'aime beaucoup. On attend tous les jours Gaugain. Il envoie ses salutations à [Barthélemy] Franconis dont le frère [Michel] vient de se marier. Chenaud fait comme Chabrey qui saisissait le dernier mot pour continuer son prêche.

Adresse

Rotterdam

Commentaire

Le fait que la lettre soit adressée en Hollande, ainsi que les informations qui s'y trouvent, permettent de rétablir le millésime.


Lieux

Émission

Genève

Réception

Rotterdam

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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